Gemapi : un nouveau texte d’assouplissement adopté au Sénat
Censée répondre aux inquiétudes des élus locaux qui, face à une recrudescence du risque inondation et aux diversités territoriales, souhaitent bénéficier de nouvelles souplesses dans l’exercice de la Gemapi, la proposition de loi votée en ce sens au Sénat, ce 11 juin, prend des allures de goutte d’eau dans la mer, faute d’apporter des solutions pour une meilleure répartition du produit de la taxe éponyme. Les travaux de la mission flash conduite au sein de la délégation aux collectivités territoriales pourraient toutefois déboucher, à l’automne, sur un texte plus structurant.

© Capture vidéo Sénat/ Anne Chain-Larché et Pierre Cuypers
Le Sénat a voté, ce 11 juin, en première lecture, une proposition de loi d’assouplissement en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), par 224 voix pour (dans les rangs des groupes LR, UC, Les indépendants et CRCE), 82 contre (au sein des groupes SER et RDSE), et 35 abstentions (pour les groupes Ecologistes et RDPI). Partant du constat de "réalités territoriales souvent complexes, de la diversité des acteurs concernés et de la nécessité d’une coordination accrue en matière de prévention des inondations", le texte ambitionne notamment d’élargir les possibilités de délégation de la compétence Gemapi aux départements et d’en faciliter l'articulation avec celles relatives au ruissellement et à l’érosion des sols.
"La Gemapi a été une avancée, mais mal comprise et inégalement exercée. Elle peut être vécue comme une contrainte par certaines collectivités territoriales qui attendent plus de solidarité", au regard de la recrudescence des inondations "aux conséquences de plus en plus lourdes", a appuyé la sénatrice Anne Chain-Larché (Seine-et-Marne/LR), à l'origine de cette proposition de loi, au côté de Pierre Cuypers (Seine-et-Marne/LR).
La discussion est ouverte
L’alerte des élus locaux n’est pas nouvelle. Avec le vote de la loi dite "Fesneau-Ferrand" du 30 décembre 2017, soit avant même le transfert effectif et obligatoire de cette compétence aux EPCI à fiscalité propre, plusieurs tempéraments avaient été introduits pour tenir compte des difficultés de mise en oeuvre. Et tout récemment, la délégation aux collectivités territoriales du Sénat a lancé une mission dédiée - autour de Rémy Pointereau (Cher/LR), Hervé Gillé (Gironde/SER) et Jean-Yves Roux (Alpes-de-Haute-Provence/RDSE) - avec notamment "pour ambition de proposer un cadre de réflexion pour refonder le financement de la taxe Gemapi", mais aussi pour renforcer la solidarité amont-aval à l’échelle des bassins versants.
On comprend mieux pourquoi cette nouvelle proposition de loi laisse une partie des sénateurs sur leur faim. Anne Chain-Larché y voit elle-même "une première étape", avant les conclusions de la mission flash, dont les travaux devraient déboucher, à l'automne, sur "un texte complémentaire", souligne-t-elle. Notre approche sera transpartisane et "beaucoup plus globale", a confirmé en séance, l’un des co-rapporteurs de la mission, Hervé Gillé. Le gouvernement adopte une "position prudente" sur ce texte. "(Nous attendons) beaucoup des conférences de l'eau dans nos territoires menées par Agnès Pannier-Runacher", a expliqué, Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville, se disant également "ouverte à la discussion, notamment avec Rémy Pointereau, Hervé Gillé et Jean-Yves Roux, qui mènent actuellement une réflexion sur le sujet".
Délégation de la compétence Gemapi aux départements
C’est l’objet de l’article 1er qui permet aux EPCI de déléguer aux départements, avec l'accord des communes membres, tout ou partie de la Gemapi. La commission des lois - réunie le 28 mai 2025 - a estimé nécessaire de veiller à ce que cet assouplissement conserve un caractère facultatif et volontaire. À l’initiative du rapporteur, Hervé Reynaud, elle a donc rapproché cette faculté de délégation de la procédure de délégation de droit commun en la conditionnant à l'accord de l'ensemble des communes membres.
À l’article 2, la commission a accueilli favorablement la clarification de l'articulation entre Gemapi et gestion des eaux pluviales urbaines (Gepu), par la faculté ouverte aux EPCI à fiscalité propre de prévoir des mesures en matière de ruissellement et d’érosion des sols dans les zonages en matière d'eau et d'assainissement, dès lors qu'elles présenteraient "un lien avec le risque inondation". Par un article additionnel 2 bis, le rapporteur a aussi souhaité compléter le texte en confortant le rôle des départements dans leur assistance technique en matière de lutte contre le ruissellement dès lors que celui-ci aurait un lien avec la prévention des inondations. Un seul amendement a été adopté en séance - défendu par Anne-Sophie Romagny (Marne-UC), contre l’avis du gouvernement - pour permettre de déroger au calendrier annuel d’entretien des cours d’eau en cas de circonstances météorologiques et hydrauliques mettant en péril la prévention contre les inondations (nouvel art. 1er bis).
Un volet fiscal réduit à la portion congrue
L’unique article traitant du sujet (art.3) prévoit la remise d’un rapport du gouvernement sur la mise en oeuvre de la taxe Gemapi, et sur l'opportunité d'instituer un fonds de péréquation de cette taxe à l’échelle des bassins versants. C’est un des noeuds du problème. Le produit de la taxe Gemapi ne suffit pas à financer convenablement la compétence. Si son potentiel n'est pas encore entièrement utilisé dans certains territoires peu exposés, il atteint sa limite dans de nombreux territoires où le besoin se fait particulièrement ressentir. L’instauration d'un fonds de péréquation de la taxe Gemapi pour assurer une meilleure répartition de son produit est donc en germe. La piste fait d'ailleurs partie des recommandations du rapport de contrôle, remis l'année dernière, par Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux sur les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 (voir notre article du 26 septembre 2024). La mission d’information sur l'adaptation de l'aménagement des territoires au changement climatique de l’Assemblée nationale, qui vient de remettre ses travaux (lire notre article du 5 juin 2025) formule elle aussi quelques préconisations en matière de Gemapi. Y figure entre autres la mise en place d’une péréquation horizontale des revenus de la taxe Gemapi à l’échelle du bassin hydrographique afin de permettre aux EPCI les plus exposés et les moins bien dotés de bénéficier de la solidarité des territoires à fort potentiel fiscal et moins à risques.
Exit l’article 4 de la PPL - supprimé en commission des finances - qui prévoyait le reversement d’une partie de la taxe Gemapi aux communes pour le financement de la compétence "maîtrise des eaux pluviales et lutte contre l’érosion des sols". "Il n'apparaît pas que la taxe Gemapi soit en mesure d'absorber une nouvelle compétence. En effet, un certain nombre d'EPCI ne parviennent déjà pas aujourd'hui à financer les dépenses nécessaires pour la prévention des inondations, bien que le plafond de la taxe soit au maximum autorisé (40 euros par habitant)", a expliqué Laurent Somon, rapporteur pour avis. "Par ailleurs, dès lors que le transfert de la compétence Gemapi aux départements n'est pas permis par l'article 1er de la proposition de loi, le reversement de la taxe afférente aux communes n'est pas possible", a-t-il justifié. En séance, le sénateur Grégory Blanc (Maine-et-Loire/Ecologistes) a soutenu en vain un amendement pour rétablir cette disposition. "L'article 4 permettait aux EPCI situés en amont, qui prélèvent peu la taxe, d'en transférer une part aux communes qui réalisent des travaux de traitement du ruissellement. C'était là la petite avancée du texte. Sans article 4, il n'y a plus de loi, sauf à transférer une nouvelle charge aux départements, qui n'en veulent pas. Dans ce cas, autant retirer le texte pour éviter l'encombrement législatif", a-t-il réagi.
"Pour faire face à des aléas majeurs, la taxe Gemapi, même portée à son plafond, ne suffira pas. Il faudra donc envisager une nouvelle fiscalité de solidarité. La dernière brique, c'est le fonds Barnier, qui interviendrait sur les enjeux de solidarité les plus importants", a de son côté relevé Hervé Gillé.